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Témoignage(s) de HELL Gérard

Le bombardement de Sochaux

" Lève-toi vite, cette fois c'est pour nous. "

C'est en ces termes que mon père me réveille, alors qu'en plein sommeil j'essayais d'oublier cette désastreuse soirée où les grands encore une fois pour terminer l'acharnée partie de billes, s'étaient précipités sur le triangle pour empocher la totalité de la mise.
Au bruit des sirènes se mêlent déjà les premières explosions des fusées éclairantes. Ma mère me prenant par la main, c'est en pyjama et pieds nus que nous nous enfuyons vers les prés les plus proches, au lieu-dit "le pylône" (qui existe encore entre le lotissement du cadran et les caves à vin de l'entreprise CABURET).

Je savais qu'il existe à cet endroit une anfractuosité dans les prés puisque quelques mois auparavant nous avions essayé avec les enfants de la rue de creuser un abri qui s'était effondré après quelques semaines, n'étant pas étayé.

La nuit était très claire, la lune pleine et les fusées éclairantes illuminent le paysage comme en plein jour. Affalés dans le trou, ma mère couchée sur moi pour me protéger, nous sommes bientôt rejoint par un voisin avec sa fille de 4 ans et je commence par ne plus pouvoir respirer. Je me dégage et couché sur le dos, je vois défiler les avions pendant que partout éclatent les bombes dans un bruit effroyable, mais ma plus grande peur est d'entendre les sifflements des bombes avant qu'elles ne touchent le sol.

Et puis une explosion plus forte que les autres, quelques gravats nous tombent dessus, cette fois c'est la maison au-dessus de notre refuge qui est touchée. Nous nous enfuyons alors dans les jardins "Peugeot" (actuellement entre la rue des Vignolles et la rue des sources à Vieux Charmont).

Là, nous errons perdus dans la fumée à travers les rangées de haricots ramants ! " J'ai soif. ", maman ne trouve rien de mieux à faire que de me bourrer une poignée de feuilles de haricots dans la bouche. " Mâche, ca passera." (essayez, c'est à vous dégoûter des haricots).

Le calme enfin revenu, la vision est fantastique depuis notre site : Sochaux est rouge et par-dessus flotte une épaisse fumée âcre, nous regagnons notre rue de la liberté et je retrouve mon père qui ayant perdu du temps en cherchant ses papiers, et en détachant le chien, était resté couché au fond du jardin. Sains et saufs, la maison étant toujours debout nous partons à la découverte des dégâts et à la recherche d'une tante et de ses enfants habitants place du Maroc.

Au bas de la rue, quatre maisons sont détruites et parmi l'une d'elles quelques hommes s'affairent pour porter secours à un locataire logeant sous le toit et qui appelle à l'aide. Une chance incroyable, le toit ne s'est pas disloqué et c'est couvert de poussière et avec quelques égratignures qu'il s'en sort vivant.

Partout le sol est jonché de débris de toute sorte, et nous avançons difficilement pour éviter les trous de bombes et les maisons en flammes : mairie, ferme, café, écoles, maisons, morts déjà retrouvés et alignés recouverts d'une toile. Vision incroyable pour un enfant de 13 ans. Les pompiers et les survivants sont déjà à la recherche des personnes pouvant être secourues.

Notre famille retrouvée intacte, je ne me souviens pas comment j'ai terminé le reste de la nuit. le lendemain matin, nouvelle alerte, et nous entendons un avion passer très haut dans le ciel. Fatalistes, je ne me souviens pas que quiconque ait quitté son domicile.

Dans la journée, mon père m'emmène chez des amis à la campagne.